ArtIA : Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va

Une analyse prédictive et un plan d'action pour la souveraineté numérique culturelle à l'ère de l'IA.

"Si le gouvernement canadien investit autant en IA, il nous semble normal d'assurer qu'une partie de ces milliards puisse servir de levier aux communautés créatives et culturelles."

2023-2025 : LA FONDATION

ArtIA est né d'un double constat crucial : l'intégration rapide de l'intelligence artificielle dans les outils et pratiques de création, combinée à une absence notoire de ressources critiques, de cadres de référence, de dispositifs d'accompagnement ou de formations réellement adaptés aux besoins du secteur culturel. Cette phase a été un véritable laboratoire d'action-recherche pour structurer un écosystème d'innovation unique.

NOS RÉALISATIONS CONCRÈTES

  • Chantier IA de Sporobole : Près de 20 artistes en résidences de recherche-création sur plus de 130 semaines ont créé des œuvres novatrices qui ont mené à une compréhension approfondie des impacts de l'IA sur la création artistique. Artistes comme Marie-Ève Levasseur, Simon Laroche, Sabrina Ratté et Roger Tellier-Craig ont pu expérimenter, développer des prototypes et explorer les limites de l'IA générative.
  • Programme "Pratiques et imaginaires de l'IA créative" (SAT) : Trois symposiums majeurs (novembre 2024, mars 2025, août 2025) qui ont réuni plus de 100 participants des milieux artistique, technologique et institutionnel. Ces événements ont permis de confronter un cadre de gouvernance partagée et de générer une vingtaine de propositions de projets concrets, dont trois pilotes prioritaires.
  • Technothérapie expérimentale : Accompagnement de six organisations culturelles dans l'implantation d'outils d'IA pour tester des prototypes et identifier des défis réels (maturité numérique, enjeux autour des données, accès à l'expertise).
  • Base de connaissances ouverte : Documentation et partage d'expertise sur la plateforme Praxis, qui pérennise les apprentissages et capitalise sur l'intelligence collective pour créer un véritable écosystème d'innovation.

AUJOURD'HUI : LE POINT DE BASCULE

Nous en sommes au "moment Napster 2.0" de la culture. L'émergence rapide d'IA génératives puissantes crée une fenêtre d'opportunité critique qui se refermera d'ici quelques années. Les constats issus de nos symposiums sont sans appel : sans une action concertée, nous risquons une dépendance technologique totale.

Le « moment Napster 2.0 » décrit le choc que l’IA provoque aujourd’hui dans les arts, comme Napster l’a fait pour la musique : une rupture technologique qui bouleverse tout un secteur. Avec Napster qui facilitait le partage de fichiers musicaux, les artistes ont perdu le contrôle de la valeur de leurs œuvres, rapidement captée par les multinationales du streaming — ce qui a mené à une chute massive de leurs revenus. L’analogie sert à rappeler que si nous ne construisons pas d’alternatives, l’IA risque de reproduire le même scénario.

URGENCE STRATÉGIQUE

À l'été 2024, lorsque le gouvernement canadien a lancé sa consultation sur la Stratégie de calcul d'IA souveraine, allouant 2 milliards de dollars pour soutenir la recherche et les entreprises technologiques, 0 % de ces fonds ont été alloués aux arts et aux organisations culturelles. Cette exclusion positionne le secteur des arts et de la culture comme de simples adopteurs en aval des technologies innovantes, ignorant son rôle potentiel d'innovateur et de créateur de valeur.

BESOINS URGENTS IDENTIFIÉS PAR NOTRE COMMUNAUTÉ

La communauté d’ArtIA réunit un ensemble unique et foisonnant de chercheur·euse·s, artistes, travailleur·euse·s culturel·le·s, enseignant·e·s, développeur·euse·s et penseur·euse·s venu·e·s de divers horizons. Ensemble, nous formons un laboratoire vivant où se croisent pratiques artistiques, savoirs critiques, innovations technologiques et préoccupations sociales. Cette diversité fait la force d’ArtIA : elle permet d’aborder l’intelligence artificielle non pas comme un simple outil, mais comme un enjeu culturel, politique et créatif. C’est une communauté vaste et mouvante, soudée par une volonté commune : inventer des modèles alternatifs, résilients et durables, afin que l’IA serve d’abord les artistes et la société plutôt que les logiques de captation industrielle.

Basé sur 16 mois de consultation auprès de plus de 100 acteur·ices du secteur culturel, voici les 7 recommandations prioritaires pour construire nos communs numériques :

  1. Infrastructure partagée : Permettre un partage de ressources en GPU et en stockage en ouvrant les infrastructures existantes aux organismes culturels (ex. avec Compute Canada, Calcul Québec ou PINQ2). Prendre en compte les besoins du secteur dans la mise en place de nouvelles infrastructures centralisées.
  2. Formation collaborative : Développer des programmes de formation interdisciplinaires, combinant expertise technique et sensibilité culturelle.
  3. Outils éthiques : Prioriser le développement d'outils d'IA qui respectent la diversité culturelle et les droits d'auteur.
  4. Gouvernance participative : Mettre en place des mécanismes de décision inclusifs impliquant toustes les acteur·ices du secteur.
  5. Financement innovant : Créer des modèles de financement adaptés aux cycles de développement de l'innovation culturelle.
  6. Documentation ouverte : Pérenniser les apprentissages et les bonnes pratiques dans une base de connaissances accessible.
  7. Réseau d'expertise : Construire un écosystème d'expert·es et de praticien·nes pour soutenir l'innovation en continu.

Ces recommandations ont été tirées du rapport ArtIA:Building a Commons for AI in Digital Creation de la SAT.

2025-2029 : NOTRE PLAN D'ACTION

La Phase 2 d'ArtIA est une accélération. Avec un plan ambitieux de 28 M$ sur quatre ans, nous allons construire l'infrastructure, les outils et les compétences pour que le secteur culturel canadien devienne un leader mondial de l'IA responsable. Cette phase vise précisément à concrétiser notre vision en créant ou maintenant 52 emplois, en accompagnant 650 organismes et entreprises, en sensibilisant plus de 9200 travailleur·euses et 20 000 citoyen·nes, et en injectant directement 14 M$ dans l'écosystème.

LES 4 PILIERS DE NOTRE STRATÉGIE

1. Recherche-Création (Volet A)
Nous allons ancrer l'innovation dans les pratiques artistiques existantes et établir un réseau de laboratoires distribués pour que les communautés créatives et culturelles reprennent le contrôle sur nos outils et nos données. Chaque laboratoire offrira un accès direct à une puissance de calcul, à des outils d’IA ouverts et à une expertise de pointe.
2. Prototypage d'Outils (Volet B)
Nous rejetons le modèle des « boîtes noires ». Notre approche se concentre sur l'artisanat de modèles d'IA (« model crafting ») et l'utilisation de petites données (« small data »). En prototypant des outils ouverts, nous donnons aux créateur·ices le plein contrôle sur la chaîne de production. Ces outils ne sont pas des produits, mais des communs : des ressources partagées et gérées collectivement, garantissant une souveraineté technologique réelle.
3. Littératie & Accompagnement (Volet C)
En collaboration avec les collèges, universités et les comités sectoriels de la main d'œuvre, nous développons une littératie IA critique pour interroger les dynamiques de pouvoir de l'IA et leur potentiel. À travers un accompagnement sur mesure, nous aidons chaque organisation à positionner l'IA comme un médium au service de la création, et non l'inverse.
4. Pérennisation (Volet D)
Nous mettons en place des instances de décision transparentes et interopérables, gérées par et pour les communautés. L'objectif est de donner aux artistes, communautés et organisations le pouvoir de décider pour leur propre travail, en respectant la réalité unique de chaque acteur·ice. Nous croyons que ce modèle de gestion de communs numériques peut être adopté par d’autres secteurs d’activité socioéconomique.

Choisir notre futur

Scénario A : La dépendance (Le futur par défaut)

Sans action concertée, nos créateurs et organisations culturelles adopteront des outils d'IA propriétaires et étrangers. La valeur générée par notre culture sera captée par des intérêts externes, notre souveraineté s'érodera et notre capacité d'innovation sera dictée par des agendas commerciaux qui ne sont pas les nôtres.

Scénario B : La souveraineté (Le futur que nous bâtissons)

En investissant dans ArtIA, nous construisons une infrastructure technologique souveraine. Nos artistes créent avec des outils qu'ils comprennent et contrôlent. La valeur économique reste et irrigue notre écosystème. Le Canada se positionne comme un leader mondial de l'IA responsable.